LE DOUGLAS DC 8

Quand on le voit sur le parking, avec son radome ventral qui lui épaissit la taille, 2014 DC-8 F-BIUZ T.A.Ises ballonnets en bout d’ailes, et sa tenue militaire qui perd de son éclat au fil du temps, on peine à imaginer que nous avons devant nous, un des plus élégant avion de ligne de sa génération.

 

Les routes du Pacifique

Notre DC-8 (s/n 45 570) est le 134ème DC-8 construit. Il s’agit d’un model 33 – type intercontinental – équipé de turboréacteurs Pratt & Whitney JT9 A11 de 8000 kg de poussée, commandé par la T.A.I. Il s’agit du second appareil de cette jeune compagnie française. Il effectue son premier vol le 26 février 1961, il est livré le 5 mars suivant.

 

Alors que le premier appareil (F-BIUY) avait, après réception, rejoint Orly pour débuter la desserte du réseau Extrême Orient (une liaison hebdomadaire Paris Nouméa), notre DC-8, dès le lendemain de sa réception prend la route du Sud Est et se dirige à travers le Pacifique vers Papeete, dont la piste de Faaa vient d’être ouverte aux quadriréacteurs. Il effectue une courte escale sur l’île de Christmas qui sera un terrain de secours jamais utilisé. Ce vol est un exploit, les jets de l’époque ayant « les pattes trop courtes » pour un vol commercial direct. Durant quelques semaines, il va débroussailler les routes du Pacifique Sud, prenant en partie la relève du DC-7.

 

2014 Boeing un B 707 T.A.I

Arrivée à Papeete.Heureux où les aéroports étaient accessibles aux curieux

A cette époque, Los Angeles Papeete est l’un des plus long parcours maritime, 8 heures au-dessus d’un océan peu fréquenté par les routes maritimes. La navigation astronomique avait toute son importance, les navigateurs de la T.A.I y ont démontré leurs compétences. La piste de Faaa, l’aérogare, n’est pas encore sorti de terre

Face aux problèmes d’autonomie, les Australiens de QANTAS demandèrent à Boeing un B 707 raccourci, et donc moins lourd pour leur permettre la traversée du Pacifique.
Ce sera le 707-138

 

 

 

 

2014 Extrait du journal Pilote n°146 du 9 août 1962

Extrait du journal Pilote n°146 du 9 août 1962.

La traversée du Pacifique est à l’époque si exceptionnelle, que Michel Tanguy en personne, sous la plume de Jean Michel Charlier en fait le récit, au cours d’un tour du monde en 52 heures.

Nous avons embarqué il y a une vingtaine de minutes (…..) et nous baignons dans l’ambiance envoûtante des Mers du Sud. C’est une ravissante hôtesse qui nous a accueillis, à la coupée … Derrière nous, l’immense fourmillement des lumières de la ville la plus étendue du monde s’enfonce dans le noir. Devant nous, de l’eau … Sur 6756 km, notre route ne coupera pas une île, pas un atoll. Pendant sept heures cinquante six minutes, le F-BIUZ va naviguer à 900 kilomètres heures, entre ciel et mer, rattaché au monde par le seul bégaiement flûté de l’alphabet morse. … La machine sur laquelle nous nous sommes embarqués vient de Paris via Montréal. Elle a quitté Orly , hier mercredi, vers 15 heures. Elle y atterrira dans quatre jours. Mais entre-temps, elle aura parcouru 46 000 kilomètres en 52 heures de vol, traversé de bout en bout, quatre continents et trois océans, et fait le tour du monde. Par deux fois, le F-BIUZ coupera l’équateur, (…). Dans la cabine, 28 passagers de première et 92 de classe touriste. Moelleusement enfouis au plus profond de leur siège “ Palomar ”, ils s’assoupissent, bercés par le chuintement discret des réacteurs..

 

 

 

L’avis du commandant de bord Henri Fulachier :

2014 DC8 F-BIUY T.A.I Le Bourget

Le DC8 F-BIUY vu des terrasses de l’aérogare du Bourget

« Cette étape Los Angeles – Papeete est le plus long trajet aérien du monde au dessus de l’océan. C’est ce qui en fait la difficulté majeure ….Toute la saison dernière, j’ai rencontré sur le Pacifique des vents contraires persistants comme jamais encore je n’en avais affronté. Cela pose de sérieux problèmes de carburants. Surtout si l’on arrive sur Tahiti par visibilité presque nulle, avec le risque de devoir recommencer une approche ou gagner le terrain de déroutement de Bora-Bora.
On peut penser, que c’est lui qui a effectué les essais d’atterrissages sur la courte piste de Bora-Bora qui avait été allongée pour permettre l’escale des DC-7. Car si Tahiti possédait enfin une piste utilisable par les jets, il n’existait pas de terrain de dégagement, la procédure alors imposait des réserves d’attente de deux heures ; quand on se souvient des consommations des premiers jets, environ 7 tonnes à l’heure….Malheureusement, la piste de Bora-Bora ne pouvait servir que de terrain de secours en dernier recours .
Durant quatre ans, notre DC-8, et ses deux “ sister ship ”, (un troisième appareil (F-BJUV) avait été livré trois mois plus tard), ont exploité la ligne tour du monde.
Par un accord avec Air France, les appareils de la T.A.I étaient en correspondance à Los Angeles avec les B707 d’Air France. A une époque même, suite à un manque d’avions, la liaison Los Angeles Montréal Orly sera assurée par les seuls DC-8 de la T.A.I.

 

Silencieux et Inverseurs de poussée.

2014 Rolls Royce Conway B 707 DC-8 Handley Page Victor Vickers VC10

ORLY Collection J.Delmas

Équipé du même moteur que les premiers B 707, le JT4-A, les DC 8 de la première génération ;models 10, 20, 30 et même les 40 équipés de Rolls Royce Conway s’en distinguaient par un ensemble silencieux inverseur de poussée rétractable. Celui-ci, ajoutait, lorsqu’il était sorti à l’élégance de ce bel avion.

(commentaires texte du schèma de droite) cliquez pour agrandir:
Il est composé d’un silencieux fixe, Daisy, (2) et d’un ensemble mobile ; l’Ejector (1) qui reste escamoté durant le vol de croisière (Croquis du haut). Au sol, au décollage et à l’atterrissage, l’ejector recule sous l’action du vérin (4), et recouvrant Daisy, participe à la fonction silencieux (croquis du centre) .Au touché des roues, les coquilles se referment, (3) déviant le jet vers l’avant,.ralentissant l’appareil. (Croquis du bas).
En vol, seuls les deux moteurs intérieurs peuvent passer « en reverse » dans le cas de perte de pressurisation.

 

 

 

La T.A.I
Transports Aériens Intercontinentaux

2014 La T.A.I Accueil à bord

Accueil à bord

Cette petite compagnie française a vu le jour, comme tant d’autres au lendemain de la Libération. Formée d’anciens de la régie Air Afrique, elle reprend son emblème, le griffon posant fièrement sa patte sur le globe terrestre.
Elle débute son exploitation avec des AAC 1 Toucan, appareils qui, bien que neufs, étaient dépassés. Exploitant au départ un réseau européen et nord africain, elle s’étend vers le Moyen Orient, l’Afrique francophone et Madagascar. Avec la guerre d’Indochine, elle s’équipe de DC-4 puis de DC-6. Elle expérimentera même l’Armagnac, malheureusement non rentable. A la fin de ce conflit, contrairement à beaucoup d’autres, elle sait se reconvertir en compagnie de transport.
A la suite du désistement d’Air France, elle exploite dès 1950 les lignes au sud de Saigon. C’est le début du débroussaillage des lignes du Pacifique Sud, l’ouverture de Nouméa, Auckland et Brisbane.
Puis, la reprise de la Régie Aérienne Interinsulaire, devenue Réseau, mais toujours R.A.I. La mise en ligne du DC-7C sur Bora Bora intervient le 2 octobre 1958, nécessitant l’achat du Bermuda pour assurer la correspondance vers Tahiti.

 

 

 

2014 cartes du Monde la T.A.IEn octobre 1960, l’ouverture aux DC-7C de la piste de Faaa, permet la desserte directe de la Polynésie et la continuation de la ligne vers Honolulu et Los Angeles, en correspondance avec le vol Air France. Le 6 mars 1961, nous l’avons vu, le F-BIUZ ouvre la Polynésie aux jets.

Les dirigeants de cette entreprise pensaient dès 1946, qu’en intéressant le personnel par le biais d’une coopérative ouvrière, on pouvait mieux le motiver !!! Ses résultats financiers tout au long de son existence, puis ceux d’UTA par la suite, tendraient à prouver que l’idée n’était peut être pas sotte.

 

UTA et la desserte de l’Afrique.

2014 DC-8 F-BIUZ 1963, la T.A.I = U.A.T Le Bourget

Le Bourget (B.Lemoing)

Fin 1963, la T.A.I et l’U.A.T (Union Aéromaritime de Transport) fusionnent. La nouvelle compagnie, l’Union des Transports Aériens se trouve à la tête de 6 DC-8 33. De nouvelles versions du DC-8 sont apparues entre-temps, les models 53, 54 et 55, motorisés par de JT3-D3B, moteurs à double flux beaucoup moins gourmands en carburant (-13%). Ces appareils permettent de relier Papeete à Los Angeles directement, supprimant l’escale d’Honolulu, et ce, avec une meilleure charge marchande.
U.T.A fait remotoriser deux de ses appareils ; les F-BJLB et F-BLLC. A leur mise en service, au milieu de 1965, les modèles 33, dont le F-BIUZ, quitteront les cieux bleus des mers du Sud, pour poursuivre leur carrière en Afrique, et ce, durant huit ans encore. Au cours de sa longue carrière civile, notre DC-8 portera, au gré des locations, les titres d’Alitalia, d’Air Afrique bien sûr, mais aussi d’Air France.

 

Le Sarigue

2014 F-BIUZ = F-ZARK. Le Sarigue au Bourget

Le Sarigue au Bourget

Fin 1973, après douze ans de bons et loyaux services, 41 327 heures de vol et 15 210 atterrissages, le F-BIUZ est pris en compte par le Centre d’Essais en Vol, et immatriculé F-ZARK.
Après des modifications longues et complexes, il est doté d’équipements électroniques sophistiqués, et devenu Sarigue (Système Aéroporté de Recueil d’Informations de Guerre Électronique), il est, à compter du 01 avril 1976, le seul appareil de l’Escadron Électronique 51 Aubrac, chargé de recueillir des rayonnements électromagnétiques et des informations susceptibles d’intéresser le renseignement militaire.

 

 

2014 Le cockpit

Le cockpit (JL Claessens)

Le 12 décembre 1977, l’escadron fait mouvement à la B A 105 d’Évreux.
En Avril 1980, l’appareil est ré équipé de turboréacteurs à double flux Pratt & Whitney JT3D-3B et devient un DC-8 53, certainement le dernier.
En décembre 1984, il accumule 47 866 heures de vol pour 17 021 atterrissages, chiffres portés à 52 334 h de vol et 17 633 atterrissages en décembre 1990.
Retiré du service, il est depuis le 25 juillet 2001, locataire du Musée de l’Air.

 

Jacques Julien (AAMA)

Remerciements à l’amicale de l’UTA pour la photographie du DC 8
en couverture ainsi que J. Delmas, J Guillem et J.L Claessens.

Article extrait du Pégase n°143 de décembre 2011.

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